Partis d'Emei la veille au soir, on debarque a la gare de Panzhihua de bon matin avec une seule question: est ce que nos velos seront la et en bon etat? On doit attendre 8h30 l'ouverture des bureaux, on passe le temps en dejeunant. Et finalement, ouf tout le monde est la! Les velos sont biens poussiereux et les selles dereglees mais tout le reste est niquel! On remonte les saccoches sous le regard d'une quinzaine de personnes tres intriguees par... nos sonnettes et nos cales-pieds! Allez, c'est parti pour Lijiang a plus de 300km de la. A ce moment la on a encore le sourire, mais on va tres vite le perdre...

La gare de Panzhihua, comme son nom l'indique, n'est pas du tout a Panzhihua! On doit donc se farcir de la grosse route sans bande d'arret d'urgence et on roule avec les camions. L'entree dans Panzhihua donne le ton, on se coltine un veritable mur sous les yeux des passants ahuris: "ils sont stupides ces nez longs, pourquoi ils ne prennent pas une moto comme tout le monde ici?". Tu l'as dit... Notre plus petit braquet 24x32 est un peu court avec le chargement des velos et la fatigue de la nuit en couchette dure. C'est dur, la route ne fait que monter tres raide pendant quelques kms avant de redescendre aussi tot. Il y a plus de camions que de voitures, on mange de la poussiere et des gazs d'echappement.Vivement qu'on se tire d'ici... Le clou est donne par Ariane qui profite de ce bon debut pour ajouter la touche finale et oublier ses gants sur la route... Voila, le sourire du matin est bien parti! C'est peu de temps apres qu'arrive notre 1er tunnel. Les tunnels, c'est un peu notre hantise. Souvent ils ne sont pas eclaires et plein de trous. Il n'y a pas forcement de BAU, donc il faut rouler vite en essayant de distinguer les trous a la frontale et esperer ne pas se faire coincer par un camion! Heureusement, celui la est gentil et passe creme, ouf! Ce sera le 1er le dernier de la route et tant mieux! L'apres midi verra une pause forcee sur le bord de la route a cause d'un orage monstrueux. Il y a 15cm d'eau qui devale les rues en pente et qui submerge tout sur son passage dans un torrent de boue. On ne distingue plus la route donc on est encore mieux a regarder la pluie tomber au sec sur le trottoir. Sauf qu'apres ca, la route n'est plus qu'un tas de boue et les freinages deviennent sports avec le poids des velos et la pente. On ne voit plus les trous sur la route et les camions nous aspergent copieusement de m***e. C'est ici que commence le debut de la fin. La route est coupee car un pont est en renovation. Il faut passer par un petit chemin tortueux emprunte normalement par les tracteurs pour rejoindre l'autre bord de la rive. Sauf que voila, il y a environ un camion de plusieurs tonnes qui passe par la toutes les 15 secondes, le chemin est un bourbier rempli de trous enormes avec des graviers qui glissent sous les roues. Il descend a pic avant de remonter tout aussi raide en face. C'en est un peu trop pour Ariane qui craque a ce moment la... Je ne peux pas lui en vouloir, la c'est vraiment du VTT et il va falloir faire gaffe pour ne pas tomber. Tres engageant avec les camions qui klaxonnent derriere en nous collant aux fesses... La descente infernale "passe" finalement, mais a la montee, on se fait courser par des chiens errants qui salivent sur les beaux mollets d'Ariane. On se prendra une chambre d'hotel quelques kilometres plus loin, degoutes de ne meme pas avoir fait 50 bornes. On ne sait pas encore que le plus dur est a venir...

Le 2eme jour, on espere vraiment que maintenant que Panzhihua est derriere nous le plus dur est fait. Que nenni... Le debut commence bien avec un enorme troncon de route en travaux. Il  y a une espece de circulation alternee sur une voie de terre. Avec l'orage de la veille et la pluie de la nuit, on roule pendant 20 min dans 10 cm de boue liquide qui ruine le velo et le bonhomme. Le tout en slalomant entre les camions... Heureusement des gens sympas nous font signe que l'on peut doubler l'enorme bouchon de camions( il y a au moins 1 heure de queue...) en circulant sur la portion fermee. A cette occasion on rencontre des chinois photographes (des vrais photographes, pas des chinois tout court...) qui nous tirent le portrait sur une 10aine de kilometre. On les depasse dans les bouchons, ils nous rattrapent apres et ainsi de suite. Tout le monde semble savoir que nous allons a Lijiang, et heureusement car avec ces travaux on doit prendre des deviations et les gens nous indiquent la route sans meme que nous la demandions, que ce soit nos amis photographes, les routiers, ou les paysans du coin.
On finit enfin par sortir de la zone en travaux et on se retrouve sur une petite route magnifique et tres calme, super! Malheureusement la joie est de courte duree car quelques km plus loin on se fait arreter a un barrage policier. On ne saura jamais pourquoi, mais la route nous est bloquee alors que les gens peuvent passer en presentant un papier. On doit donc rebrousser chemin pour prendre une route que l'on nous avait deconseillee, et on va comprendre pourquoi... Ce bon detour nous a quand meme fait perdre 10 bornes et surtout on doit remonter tout ce qu'on a descendu pour rien. Heureusement on passera par un magnifique petit village perdu avec des peintures sur les murs des maisons et on rencontrera un vieux monsieur qui nous fera un plan sur le bitume avec de la terre pour nous indiquer un petit chemin qui nous permet de visiter le village et de s'economiser des kilometres de demi-tour ! On retourne a l'embranchement du matin et on prend l'autre cote et on se farcit une bonne heure de montee pour se retrouver a 10km de notre hotel, sauf que l'on a pedale toute la matinee pour un trajet qui aurait du nous prendre meme pas 1h... C'est la vie a velo, mais c'est toujours frustrant.
On reprend la route apres avoir mange dans un village, Ariane profite(!) d'un trou dans la route pour tomber et s'arracher le genou sur le bitume. Pas bien grave, mais tout est plein de poussiere et malgre un bon soin, la plaie s'infectera sur toute la semaine. Bon, on repart mais la on va faire les pires kms de toute notre vie. Alors autant pour Ariane le velo c'est un peu neuf donc ca n'a pas trop de poids, autant moi j'en ai fait des dizaines de milliers de kms mais alors ceux la... En fait sur cette portion de route il y a des carrieres de pierres et des mines de charbons. Elle est saturee de camions qui dechargent une partie de leur chargement a chaque trou ou chaque virage. Enfin, c'etait une route il y a fort longtemps, le bitume a desormais disparu ou n'est present que par plaques avec d'enormes fissures entre.. pour ne laisser place qu'a une vulgaire piste de sable et de poussiere... Et jusqu'a la fin de l'etape, on va avaler des kilos de poussiere tout un grimpant et en redescendant sans cesse. Dans les cotes nous sommes a 10km/h, et pareil dans les descentes car cela serait inconscient de rouler plus vite sous peine de briser la roue arriere ou le porte bagage vu la taille des trous. Beaucoup de gens nous encouragerons d'ailleurs, et ca sera notre carburant. Paradoxalement, les routiers, cause de notre galere seront - autant que faire ce peut - sympas aussi. Ils nous doublaient toujours avec de la marge, parfois en nous encargeant eux aussi, mais c'est sur qu'a chaque fois on se prenait un cocktail de gaz d'echappements et de poussieres...

Nous voulions decouvrir la Chine, la voila pour nous!!

Ci dessous un petit apercu du trafic que nous avons eu toute la journee:

A la fin de la journee nous sommes rinces physiquement. On aurait pu camper, mais le cm de crasse sur nous l'emporte et nous pousserons jusqu'a un petit village pres de Huaping pour prendre un hotel et donc une douche salvatrice. Encore une fois nous n'avons pas depasse les 50km et nous sommes seulement a 1100m d'altitude alors que la gare de panzhihua est a 950m. 150m de gagnes alors que nous passons notre temps a monter (et malheureusement a redescendre aussitot apres). On se dit que si la route est comme ca jusque Lijiang, on ne va pas tenir... Le soir on se requinque avec un gros repas. Un monsieur nous offrira meme un plat (cher en plus!) et on trinquera a table. On ne saura jamais pourquoi mais nous on sait que l'on aurait jamais pu atterir dans ce bled paume sans avoir pedale jusque ici... C'etait vraiment dur, mais paradoxalement ce geste gratuit nous fait oublier toute notre fatigue et nous sommes trop heureux de pedaler!

Le 3eme jour on demarre un peu anxieux avec la crainte d'une autre journee de galere. On decide de quitter cette route infernale qu'est la S308. Peine perdue, on ne trouvera jamais les petites routes secondaires tracees sur note carte... mais on decouvrira un joli petit village. On reprend donc la S308, mais 20 bornes (de plat) pour rien. Cependant, a un croisement alors que nous etions encore entoures de camions, notre route tourne a gauche pendant que eux tournent tous a droite! Le miracle a eu lieu, on sera presque tout seuls sur la S308 jusque Lijiang! Par contre ce qu'on ne sait pas (notre carte n'a pas le relief), c'est que l'on est en train de s'engager pour un col qui culmine a 2200m (nous sommes a 1100m)! La route monte, monte, a chaque virage on pense que ca va redescendre mais ca monte encore! 

Heureusement la route est calme et jolie: on verra egalement nos 1eres rizieres en etages et une tres jolie cascade.

On se fera arreter par des chinois qui se prendront en photo avec nous, un vendeur de fruits sur le bord de la route nous en donnera gratuitement avec beaucoup d'encouragements, et toujours des sourires. On a mal aux cuisses mais le moral est la. Faut dire qu'avec seulement 250 bornes depuis Chengdu, on ne peut pas dire que l'on pete le feu! On s'arretera neanmoins apres 5h de montee ininterrompue pour planter la tente sur un coin de route. On tombe comme des mouches et on dormira treeeeees bien! 

Le 4eme jour on se finit le col en 1h, on monte bien plus vite que la veille. Grosse joie au sommet! La descente est sublime, un melange de rizieres et de terres ocres! Alors les photos ne rendent rien mais on vous assure en vrai que c'etait grandiose, comme dans les livres photos!!

On s'arretera en milieu d'apres midi dans un petit village pour recuperer de cette grosse ascension. Rien a dire de particulier sinon que nous vivrons de chouettes moments, notamment seuls touristes sur le marche avec les couleurs, les volailles qui volent partout et des sons plein la tete! 

Le lendemain on repart avec comme objectif Yongsheng. Comme chaque jour le paysage change completement, se sera donc une route encaissee dans une gorge avec rizieres au bord de la riviere! Nous verrons cette fois ci de tres pres les gens travailler le riz avec leurs enfants sur le dos, les mules, enfin tout comme dans les livres de photos quoi... et on garde en memoire les sourires de ces gens nous voyant passer par chez eux. Eh, on est venu la pour ca!
Le truc casse pied qui n'est pas dans les livres par contre, ce sont les chiens errants. Ils sont tres agressifs et nous courrent dessus a la moindre occasion. Ariane en a tres peur, pas simple tout le temps. On ameliore notre technique au fur et a mesure: on essaie de passer ensemble dans les villages pour les prendre de vitesse. Si il y en a un 10m devant l'autre, le chien a le temps de courser le dernier de nous 2. J'ai egalement beaucoup progresse moi aussi dans ma technique de coup de tatane: j'arme la jambe du cote du chien, je le laisse s'approcher puis je freine en donnant un bon coup de guidon; je me retrouve alors juste sur sa gueule et je lui detend mon pied dans la face. En general le clebard n'a pas eu le temps de comprendre que je repedale deja tres fort... Je suis quand meme meilleur du pied gauche que du pied droit, bizarre non?  

On remonte tranquillement sur cette route encaissee, il fait beau, nous sommes seuls et on a une banane immense collee au visage. Quelle joie de vivre ces moments hors du temps! On entend le bruit de l'eau et le bruit de nos pneus sur le bitume... Chouette non?
On fera egalement une rencontre completement fortuite. Un type nous double et s'arrete aussitot sur le bord de la route. Il sort de sa voiture et nous demande dans le plus parfait anglais si l'on veut faire une pause? Cela fait des jours que l'on n'a pas parle avec quelqu'un en anglais, l'occasion est trop belle! Il s'appelle Kevin et nous colle direct un red-bull dans la main. La boisson en elle meme est imbuvable mais on passe un super moment a parler de la Chine et de la France qu'il connait bien, son frere vivant en France. Comme ca, au milieu de nul part... On repart avec le feu!
Le soir, on arrivera a Yongsheng apres un col a 2100m. Avec tous les yoyos de la route, ca fait encore un paquet de D+... Et par chance, on trouvera le meilleur hotel de tout notre parcours avec des lit supers confortables (rare en Chine!) et des couettes super moelleuses! Parfait pour passer notre journee de repos...